La diaspora africaine enfin distinguée par le Michelin
La diaspora africaine enfin distinguée par le Michelin
Longtemps mise de côté, une nouvelle génération inventive et talentueuse, issue du continent, se fait une place cette année dans le prestigieux guide culinaire français.
Lorsque Jeune Afrique l’avait rencontré l’année dernière, il n’avait pas caché son désir d’étoile.
Mory Sacko, Français d’origine malienne, ancien second du chef Thierry Marx, extrêmement populaire depuis son passage à l’émission culinaire Top Chef, expliquait qu’être distingué par le Michelin était « un objectif assumé, pas une obsession. »
Son opiniâtreté lui a permis d’atteindre son objectif en un temps record.
Ouverte il y a quelques mois seulement, sa table gastronomique parisienne dans le 14e arrondissement « MoSuke » a reçu sa première étoile,
et le chef de 28 ans a été désigné Jeune Chef de l’année 2021 aux côtés de Coline Faulquier (du restaurant Signature, à Marseille).
L’événement est d’autant plus important que jusqu’ici, la diaspora africaine était bien peu représentée dans le guide français.
Et c’est finalement en s’éloignant des plats traditionnels que la nouvelle génération se fait une place entre ses pages.
Cosmopolitisme
Mory Sacko s’appuie sur des produits ou des modes de cuisson inspirés de ce qu’il a pu observer dans sa famille ou de la cuisine de la diaspora,
qu’il ouvre ensuite à d’autres ingrédients et pratiques, notamment venus d’Asie.
De là, ses recettes cosmopolites, comme cette poularde de Bresse façon yassa associée à du yuzu, un citron japonais.
Parmi les autres bonnes surprises du guide Michelin 2021 :
Mi Kwabo, dont nous vous vantions les mérites en septembre dernier, obtient l’Assiette Michelin,
qui distingue les établissements de qualité.
Une consécration pour Elis Bond, chef de 28 ans également, total autodidacte qui s’est établi dans un petit local du quartier de Pigalle, il y a un an.
Lui est né à Cayenne, de parents haïtiens :
c’est son épouse Vanessa qui l’a initié à la cuisine du Bénin où elle puise ses origines.
Tous deux voulaient prouver que les produits africains et caribéens pouvaient être sublimés pour entrer dans un repas gastronomique…
c’est chose faite !
Lui aussi s’éloigne des classiques de la gastronomie du continent, et lorsqu’il prépare des petites crevettes séchées saupoudrées de poivre de Penja (une région du Cameroun réputée pour son poivre),
il l’associe à un beurre demi-sel breton.
Des saveurs peu reconnues
Enfin, le seul nouveau chef triple-étoilé de cette édition, Alexandre Mazzia qui tient le restaurant AM, à Marseille, a également des origines africaines !
Le ténor des fourneaux est né et est resté 14 ans à Pointe-Noire, au Congo où son père travaillait dans le négoce de bois tropicaux.
S’il s’est longtemps enivré du parfum des poissons grillés et de la papaye fumée,
il reste surtout aujourd’hui très attaché à la pratique de la torréfaction ainsi qu’aux piments et aux épices de son continent natal.
Il conserverait d’ailleurs plus de 200 épices, dont beaucoup peu connues en France.
Ces distinctions ne doivent pas faire oublier qu’aucun restaurant purement africain ne figure encore dans le Michelin…
Le classement de « The world’s 50 best restaurants » en distingue, quant à lui, seulement deux :
The Test Kitchen et la Colombe, en Afrique du Sud.
Preuve que la gastronomie africaine échappe encore aux radars des grands jurys internationaux.