L’Afrique à la recherche d’un nouveau leadership
L’Afrique à la recherche d’un nouveau leadership
Qu’il semble loin le temps des Mandela, Houphouët, Bourguiba, Senghor, Sankara… Confrontée à des défis de plus en plus complexes,
l’Afrique manque cruellement de dirigeants visionnaires, intègres et courageux capables de les relever.
Et d’inspirer les foules.
«Nous avons choisi de risquer de nouvelles voies pour être plus heureux,
choisi de mettre en place de nouvelles techniques,
d’organisation mieux adaptées à notre civilisation,
rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs,
pour créer ainsi les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions.
Refuser l’état de survie, desserrer les pressions,
libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression,
démocratiser notre société,
ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. »
Ces mots, qui résonnent plus que jamais aux oreilles des Africains,
ont été prononcés par Thomas Sankara le 4 octobre 1984 devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Un des derniers grands leaders, avec Nelson Mandela bien sûr,
qui ont marqué l’histoire
« récente » du continent.
Vision, intelligence, courage, empathie avec son peuple, audace, sens du devoir et de l’intérêt général :
« Thom-Sank », que ses concitoyens surnommaient affectueusement « capitaine-peuple »,
ce qui en dit long sur sa popularité, incarnait à la perfection ce que l’on attend d’un dirigeant politique.
Un profil qui ne fait guère plus florès de nos jours,
et pas seulement en Afrique :
le temps des de Gaulle (France), Churchill (Grande-Bretagne),
Lee Kuan Yew (Singapour),
Lumumba (Zaïre), Houphouët (Côte d’Ivoire), Senghor (Sénégal),
Bourguiba (Tunisie) ou Nasser (Égypte) semble bien loin…
Pénurie mondiale de leadership
Soyons honnêtes : si nous sommes affligés par la pénurie mondiale en matière de leadership
– voire par l’indigence ou l’incompétence crasse de certains chefs d’État actuels tels Donald Trump (États-Unis) ou Jair Bolsonaro (Brésil)
–, reconnaissons tout de même que le monde a considérablement changé et que la tâche
est désormais bien plus ardue.
Avoir une vraie vision et le courage de la mettre en application ne suffit plus.
D’abord, les défis auxquels nos dirigeants sont confrontés sont bien plus complexes et difficiles.
Si jadis il était question, en Afrique,
de se battre successivement pour l’indépendance,
la construction d’un État-nation,
la démocratie puis la souveraineté économique,
dans un environnement mondial assez lisible,
aujourd’hui la liste des enjeux et des écueils à surmonter donnerait des frissons à un carcajou.
Effets de la globalisation, révolution numérique,
changement climatique,
nécessité pour le continent de trouver sa place dans le monde,
terrorisme, soif de changement, besoins grandissants des populations…
Dans un contexte des plus compliqués :
tout va plus vite, tout est plus « transparent ».
L’émergence et la toute-puissance des réseaux sociaux,
à la fois miroir grossissant et miroir déformant, caisse de résonance et tribunal populaire,
est une entrave de plus pour nos dirigeants.
Le moindre de leurs faits et gestes est dévoilé, commenté, critiqué.
Last but not least, le leadership ne peut plus être « vertical ».
Le paternalisme, comme le management à l’ancienne,
où le chef était suivi par ses troupes sans que ces dernières ne se posent de questions,
n’est plus de mise.
Il faut « emmener les autres avec soi », être « inspirant »,
– terme très à la mode
–, « donner du sens », convaincre, expliquer, se justifier.
Penser « bien-être » et non plus seulement croissance ou développement.
Bref, il n’est plus permis de dire « c’est comme cela et pas autrement »,
fût-ce frappé au coin du bon sens…
Urgence de la situation
Si le leader politique, le vrai,
l’autocrate, ou le zaïm dans le monde arabe,
semble être une espèce en voie d’extinction comme tant d’autres
– à l’exception, peut-être, de Paul Kagame,
au Rwanda, et de Mohammed VI,
au Maroc, tous deux bénéficiant de circonstances intérieures trop particulières
(le génocide des Tutsis pour le premier,
la royauté pour le second) pour servir d’étalon
–, l’Afrique n’en a jamais eu autant besoin.