Le tieboudiène, plat de résistance et de résilience
Le thiéboudiène, plat de résistance et de résilience
« Ces plats qui font la fierté de l’Afrique » (1/5). En lice pour entrer au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, le tieboudiène est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Par le savoir-faire qu’il exige, mais aussi par son histoire.
Servi fumant sur une nappe plastifiée, proposé dans un plat collectif installé à même le sol d’une cour ou disposé sur les tables coquettement dressées des plus grands palaces de Dakar… Il y a mille lieux où déguster le thieboudiène, et à peu près autant de manières de le préparer.
Dans chaque région, commune ou foyer du Sénégal, « il n’y a pas deux personnes qui cuisinent le tieboudiène de la même façon », prévient Alioune Badiane, rapporteur de la Commission art, culture et civilisation du colossal projet d’Histoire générale du Sénégal, en cours d’écriture.
Exercice de style
Prérogative essentiellement féminine, la préparation du « tieb » est donc un exercice de style. Une recherche permanente d’originalité et de saveurs. Qu’il s’agisse de l’ajout de crevettes dans le riz, de l’utilisation de mollusques ou de boulettes de poisson dans le bouillon, voire de tamarin dans la sauce, « chaque femme a son “femme”, son astuce pour ajouter du goût », explique la Sénégalaise Aïssatou Mbaye, créatrice du blog culinaire « Aistou Cuisine ».
À l’origine, Penda Mbaye
Pour remonter aux origines du plat le plus emblématique du Sénégal, il faut remonter au siècle dernier. L’histoire naît dans le populaire quartier des pêcheurs de Guet Ndar, à Saint-Louis, alors capitale de l’Afrique occidentale française (AOF). Dans ce coin de la ville où, chaque jour, les pirogues débarquent le poisson pêché, une cuisinière s’est fait connaître pour son riz au poisson : Penda Mbaye (1904-1984). Selon les récits glanés par la commission de L’Histoire générale du Sénégal auprès des anciens et des descendants de Penda Mbaye, un gouverneur l’aurait approchée pour lui demander de cuisiner pour ses convives.
« Lors des cérémonies familiales ou officielles, il fallait contenter les invités par la quantité de nourriture, mais aussi par l’originalité du plat. Penda Mbaye a eu l’idée de colorer le riz, non pas avec le concentré de tomates que l’on trouve dans la plupart des tieb aujourd’hui, mais avec des tomates cerises, plus colorées et plus goûteuses. Le riz blanc est alors devenu le riz rouge », raconte Alioune Badiane.